Se non avete ancora imparato il francese è ora di farlo
Ahi ahi Mara e MariaStella
Jusqu'où ira l'affaire Berlusconi ?
Sexe, pouvoir et mensonges
Liaison trouble avec une mineure ou une escort girl, enregistrements torrides ou photos très compromettantes... Mais ce scandale sexuel pourrait en cacher un autre bien plus grave. Serge Raffy raconte comment l'appétence maladive du Cavalière pour les bimbos pourrait l'avoir entraîné dans un réseau où se mêlent drogue, corruption et mafia russe
Antonello Zappadu«Je ne suis pas un paparazzo, mais un journaliste qui veut montrer la vie indécente du chef du gouvernement», dit Antonello Zappadu, qui affirme détenir près de 5 000 clichés compromettants de la villa sarde du Cavalière. Plusieurs centaines de ces photos - interdites de publication en Italie - ont été saisies par la justice italienne, sur requête de Berlusconi. Zappadu, lui, est poursuivi pour violation de la vie privée.
De notre envoyé spécial à Rome
Cette fois, c'est trop. Elle a fini par craquer. Depuis des années, elle avait tout enduré dans sa prison dorée de la villa Belvédère, une maison de maître du XVIe siècle que son mari lui avait offerte, dans la région de Milan. Les maîtresses quasi officielles, les fiestas avec nymphettes, les coucheries avec les «véline», ces pom-pom girls du petit écran prêtes à satisfaire tous les caprices du prince. Elle en avait pris son parti, tentant de protéger ses trois enfants des «maléfices» de l'Ogre. L'an dernier, elle avait renâclé à la nomination au gouvernement de plusieurs starlettes de la télé berlusconienne, toutes amantes supposées du Cavalière. A ses proches, elle avouait qu'elle était désespérée de voir son pays transformé en foire aux plaisirs, dans laquelle la libido du maître vieillissant se lâchait sans retenue. Elle avait critiqué du bout des lèvres ce népotisme sexuel affiché sans vergogne. Et son enjôleur de mari, métamorphosé en Caligula érotomane.
Pauvre Italie, terre de Dante et de Michel-Ange, devenue Berluscoland, abandonnée à un don Juan pathétique, courant frénétiquement derrière son éternelle jeunesse, à coups d'injections pelviennes, d'implants capillaires, d'opérations de chirurgie esthétique, de séances de maquillage. Avec cet éternel sourire Ultrabrite, comme un masque de Scaramouche. Un Michael Jackson parachuté dans un théâtre de la commedia dell'arte. Silvio le cavaleur, puisant dans les «books» de filles de son empire télévisuel la chair fraîche utile à ses bacchanales, tout en soignant son coeur équipé d'un pacemaker et son cancer de la prostate. «Il birichino», le polisson, c'est le surnom que lui donnent les Italiens, à peine choqués par ses frasques.
Ce 26 avril, pour Veronica Lario, le père de ses enfants commet pourtant la faute suprême. Alors que sa fille Barbara, enceinte de sept mois, est hospitalisée en urgence, il oublie d'aller lui rendre visite et préfère passer plusieurs heures à l'anniversaire d'une gamine, à Casario, dans la banlieue de Naples. Ce n'est plus du mauvais goût ou de la goujaterie, c'est de la provocation. La demoiselle, Noemi Letizia, fête ses 18 ans dans un restaurant populaire. Motif officiel de la présence de Berlusconi : il a un amour immodéré pour cette famille modeste «si italienne». Le Premier ministre, que Noemi surnomme «Papi», papounet, prétend suivre l'adolescente depuis ses 14 ans. Sa mère rêve d'en faire une actrice. Les yeux fermés, elle l'a confiée à Silvio l'imprésario, l'homme qui fait et défait les carrières des bimbos cathodiques.
Ce que ne dit pas le Premier ministre, c'est que le père de Letizia, Elio, est un joueur invétéré et qu'il a des dettes avec la Camorra, la mafia napolitaine. Tonton Silvio paie rubis sur l'ongle. Pourquoi une telle générosité ? La réponse tient en seul mot : Noemi. Chaque fois que Berlusconi a un moment de libre, il l'invite dans un de ses palais, en Sardaigne, à Villa Certosa, ou à Rome, au Palazzo Grazioli. Quand, le 28 avril, le quotidien de gauche «la Repubblica» révèle l'anniversaire insolite, Veronica Berlusconi, explose. Elle annonce son intention de divorcer, parle de la «maladie» de son mari (voir l'article de Marcelle Padovani dans «l'Obs»du 11 juin), demande à ses amis politiques de le «soigner», montre du doigt ces familles qui «offrent des vierges au dragon». En déterrant la hache de guerre conjugale, Veronica ouvre une boîte de Pandore pleine de sexe et de mensonges. En comparaison, le scandale Clinton-Lewinsky n'est qu'une bluette de collégien. Dès lors, les révélations se multiplient.
Noemi nouvelle first lady ?
La dernière semaine de mai, «la Repubblica», en pointe sur ce dossier, sort une information qui sème la panique dans la garde rapprochée du président du Conseil : en novembre 2008, au cours d'une réception organisée en présence de plusieurs grands de la mode, Silvio Berlusconi a presque désigné Noemi comme la nouvelle first lady. Les convives, gênés, ont cru à une facétie du «fanfaron». Une de plus. Mais quand paraît l'article de «la Repubblica», les avocats de «Papi», eux, perçoivent immédiatement le danger. «Le Boss» risque d'être accusé de détournement de mineure. Le scandale suprême. D'autant que deux jours après les révélations du quotidien le fiancé de Noemi, un jeune ouvrier de 22 ans, lâche, vengeur, que son «ex» a passé les fêtes du Jour de l'An dans la résidence de Sardaigne, Villa Certosa. Encore mineure, elle était accompagnée d'une copine, Roberta, elle aussi mineure, et de nombreuses filles à la réputation plus que légère, dont certaines ont été choisies par Berlusconi pour figurer sur les listes électorales du parti le Peuple de la Liberté aux élections européennes. En catastrophe, Berlusconi fait retirer les «filles» des listes. Les showgirls rentrent dans l'ombre. L'une d'entre elles le prend très mal.
Elle s'appelle Patrizia DAddario. Une blonde voluptueuse de 42 ans. Escort girl de luxe, elle a couché avec Berlusconi au Palazzo Grazioli, son domicile personnel, à Rome. L'homme qui lui a présenté le chef du gouvernement italien est un entrepreneur des Pouilles spécialisé dans la fabrication des prothèses. Gianpaolo Tarantini, play-boy de 34 ans, a rencontré son ami Silvio lors de fiestas en Sardaigne deux ans plus tôt. Depuis, il le fournit régulièrement en «accompagnatrices». Tarantini est aussi poursuivi par la justice de Bari pour une affaire de corruption dans le milieu de la santé. Il semble intéresser les juges pour sa présence dans de nombreuses sociétés basées au Luxembourg, à Londres et à Moscou.
Quand elle apprend son éviction de la liste des européennes, Patrizia D'Addario fulmine. Mais celui qu'elle appelle «Trésor» ne répond plus à ses appels. Le fanfaron l'a humiliée. Sa vengeance sera terrible. Car la routière de l'amour tarifé, très précautionneuse, a enregistré sa nuit avec lui, jusqu'au moindre détail. Elle a aussi gravé sur bandes magnétiques toutes leurs conversations téléphoniques. Edifiant. Matinée du 5 novembre : «Patrizia : Qu'est-ce que tu m'as fait mal, au début, une douleur incroyable ! Silvio : Arrête, c est pas vrai. Patrizia : Si, je te jure, une douleur incroyable au début.» Plus tard : «Patrizia : Un jeune aurait joui en une seconde. Tu sais, Userait venu... ils ont trop de pression... Silvio : Si je peux me permettre, selon moi, le problème vient de la famille... Patrizia : Quel problème ? Silvio : Déclencher l'orgasme. Patrizia : Tu sais depuis combien de temps je n'ai pas fait l'amour avec quelqu'un comme je l'ai fait cette nuit ? C'est normal ? Silvio : Si je peux me permettre, tu devrais essayer de jouir toute seule, aussi. Tu devrais te caresser plus souvent...»
Risque de chantage
C'est le genre de douceur que l'escort girl éconduite a livré à la presse. Seuls «la Repubblica» et «l'Espresso» publient le contenu des rapports torrides du chef de l'Etat et de la putain. Dans la foulée, ils multiplient les révélations sur les «bacchanales» de la Villa Certosa, où l'on voit de très jeunes filles jouer les geishas auprès de messieurs d'âge avancé. «El Pais» publie à son tour une série de clichés où l'on découvre l'ancien Premier ministre tchèque, Mirek Topolanek, dans le plus simple appareil au côté de vestales aux seins nus ! Le paparrazo à l'origine du scandale, Antonello Zappadu, a des informateurs de l'aéroport d'Olbia jusqu'aux employés de la Villa Certosa. Ce pro du téléobjectif prétend avoir pris plus de 5 000 photos des «parties» de tonton Silvio. De quoi mouiller une armée de ministres mais aussi de VIP étrangères, tous persuadés que la propriété du président du Conseil, sous surveillance des services secrets, considérée comme une zone militaire, était bien protégée. Aujourd'hui, Zappadu assure avoir mis tous ces documents à l'abri dans un coffre en Colombie. «Es n'ont aucune valeur juridique, assène Niccolo Ghedini, l'avocat du Cavalière et député du PDL. Tout ce qui relève de la vie privée ne peut être utilisé en justice.» Sauf si ces photos sont utiles à une enquête pénale. Malchance pour Berlusconi, c'est le cas.
A Bari, en effet, les magistrats qui suivent l'affaire Tarantini - l'entrepreneur est suspecté d'avoir organisé un vaste réseau de corruption de fonctionnaires de l'administration de la santé, mais aussi d'hommes politiques, jusqu'au plus haut niveau de l'Etat - saisissent tout ce qui touche à ses activités. Ils ne peuvent pas faire l'impasse sur son rôle de pourvoyeur en dames de compagnie et accumulent enregistrements, photos, témoignages, tous plus explosifs les uns que les autres. Ils détiennent en particulier une photo prise Villa Certosa où l'on voit deux jeunes filles en train de sniffer des lignes de cocaïne devant un Berlusconi hilare.
Aujourd'hui, l'homme qui a échappé à près d'une vingtaine d'enquêtes judiciaires sent le vent du boulet et tente d'étouffer le scandale. La presse, écrite et télévisée, est soumise à une omerta invraisemblable dans une démocratie moderne. Seuls l'hebdomadaire «Famiglia Cristiana» et le quotidien catholique «Awenire» relaient «la Repubblica» : car dans les paroisses la colère gronde, des évêques proches du pape font savoir que le débauché poussait un peu loin son copinage avec le Diable. Et si le Vatican abandonnait celui qu'il a considéré jusqu'ici comme son allié ? C'est la seule vraie crainte de Berlusconi. «En attendant, l'opinion publique italienne ne connaît toujours pas cette affaire, s'insurge Ezio Mauro, directeur de «la Repubblica». Pas un mot à la télévision. Berlusconi contrôle tout, les médias, le Parlement, l'Etat. Son affaire avec la D'Addario est pourtant un signe de grande faiblesse, car il aurait pu être la victime du chantage d'un groupe ou d'une organisation étrangers. Cette femme a pénétré chez lui et l'a enregistré sans que les services de sécurité s'en aperçoivent. Elle aurait pu être armée, aussi...» A mots couverts, le petit îlot de presse indépendante qui résiste en Italie tente de faire passer un message : Berlusconi l'invincible est devenu terriblement vulnérable. Il pourrait bien être tombé entre les mains d'une mafia venue de l'Est. Son appétence maladive pour les pin-up l'aurait entraîné dans les filets d'un réseau aux intérêts troubles.
Dans les rédactions romaines circule en ce moment un enregistrement qui risque d'alimenter un peu plus le scandale. Deux des ministres «bimbos» de Berlusconi, anciennes candidates Miss Italie, Mara Carfagna, ministre de l'Egalité des Chances, et Mariastella Gelmini, ministre de l'Education nationale, s'interrogent mutuellement pour savoir comment «satisfaire» au mieux le Premier ministre. Elles évoquent les piqûres qu'il doit se faire administrer avant chaque rapport. Si cet «audio» sortait dans la presse, malgré la censure, il serait dévastateur pour l'image du Cavalière. Mara Carfagna, maîtresse quasi officielle, ces dernières années, avait poursuivi en justice Sabina Guzzanti, actrice et chroniqueuse télé, parce qu'elle avait osé déclarer : «On n'a pas le droit de nommer une femme ministre de l'Egalité des Chances pour la simple raison qu'elle vous a taillé une pipe.» Son père, Paolo Guzzanti, sénateur berlusconien, avait été sanctionné par «le Boss» pour ne pas avoir blâmé sa fille : on lui avait supprimé ses gardes du corps. «Mais si j'ai dû démissionner du parti, précise Guzzanti, c'est aussi parce que j'étais en désaccord avec la dérive prorusse de Berlusconi dans l'affaire géorgienne. J'avais trouvé sa position anormale.»
La piste de la cocaïne
Au fil des révélations, l'hypothèse d'une infiltration de la mafia russe au sommet de l'Etat italien prend de la consistance. «Dans les fêtes de Villa Certosa, Tarantini faisait venir des bateaux entiers de filles de l'Est, des Russes et des Ukrainiennes, souligne un policier anti-mafia. Avec elles, il y a la drogue, bien sûr. Ce sont les mêmes filières...» A Bari, dans la plus grande discrétion, le procureur Giuseppe Scelsi creuse cette piste de la cocaïne. Son équipe a interrogé une vingtaine de filles, dont une certaine Sabina Beganovic, surnommée «la reine des abeilles». Elle sert de rabarteuse de filles à Gianpaolo Tarantini et elle est une des chouchous de «Papi». Sabina s'est fait tatouer sur la cheville : «SB., la rencontre qui a changé ma vie». Habituée de la Villa Certosa, elle a vu défiler ministres, journalistes et hommes d'affaires dans ce bunker de luxe, avec piscines, lac et volcan artificiel, amphithéâtre grec, dans lequel Berlusconi chante ses romances ou donne des cours de géostratégie aux lolitas en extase. Elle connaît par coeur les rituels du lieu. Les consignes de silence imposées aux filles, les cadeaux, toujours les mêmes, faits par le sultan à son harem, des bijoux qu'il prétend avoir dessinés lui-même, bracelets en forme de tortue ou de papillon. Pour les plus gentilles, des sorties dans les magasins de luxe de Porto Rotondo sont organisées, avec achats plafonnés à 5 000 euros.
La «reine des abeilles», qui était à la Villa Certosa au même moment que la jeune Noemi Letizia, a beaucoup parlé aux magistrats. La fille venue de l'Est a-t-elle évoqué les voyages de Tarantini à Moscou, où il est consultant d'une société, Fisiokom, géant de la fourniture hospitalière ? Les juges jouent une partie difficile. Ils savent qu'ils sont surveillés par la cohorte d'avocats de Berlusconi, l'homme le plus puissant et le plus riche d'Italie. Ils ne doivent pas commettre la moindre erreur. Car, désormais, la confrontation est inévitable. Un jour ou l'autre, ils se retrouveront face à celui qui nargue la justice depuis près de quarante ans.
Dans cette bataille, Berlusconi - qui vient d'entamer une «diète» estivale et une cure «antistress» - a perdu un atout précieux : son ami et médecin personnel, Umberto Scapagnini. Ce spécialiste de la longévité, qui prédisait cent vingt ans de vie à «l'Imperator» et prétendait qu'il avait le métabolisme d'un homme de 35 ans, vient d'être victime d'une rupture d'ané- vrisme. Il est dans le coma. Qui, désormais, veillera au régime alimentaire de «Papi», à base d'antioxydants et d'acides aminés ?
Ahi ahi Mara e MariaStella
Jusqu'où ira l'affaire Berlusconi ?
Sexe, pouvoir et mensonges
Liaison trouble avec une mineure ou une escort girl, enregistrements torrides ou photos très compromettantes... Mais ce scandale sexuel pourrait en cacher un autre bien plus grave. Serge Raffy raconte comment l'appétence maladive du Cavalière pour les bimbos pourrait l'avoir entraîné dans un réseau où se mêlent drogue, corruption et mafia russe
Antonello Zappadu«Je ne suis pas un paparazzo, mais un journaliste qui veut montrer la vie indécente du chef du gouvernement», dit Antonello Zappadu, qui affirme détenir près de 5 000 clichés compromettants de la villa sarde du Cavalière. Plusieurs centaines de ces photos - interdites de publication en Italie - ont été saisies par la justice italienne, sur requête de Berlusconi. Zappadu, lui, est poursuivi pour violation de la vie privée.
De notre envoyé spécial à Rome
Cette fois, c'est trop. Elle a fini par craquer. Depuis des années, elle avait tout enduré dans sa prison dorée de la villa Belvédère, une maison de maître du XVIe siècle que son mari lui avait offerte, dans la région de Milan. Les maîtresses quasi officielles, les fiestas avec nymphettes, les coucheries avec les «véline», ces pom-pom girls du petit écran prêtes à satisfaire tous les caprices du prince. Elle en avait pris son parti, tentant de protéger ses trois enfants des «maléfices» de l'Ogre. L'an dernier, elle avait renâclé à la nomination au gouvernement de plusieurs starlettes de la télé berlusconienne, toutes amantes supposées du Cavalière. A ses proches, elle avouait qu'elle était désespérée de voir son pays transformé en foire aux plaisirs, dans laquelle la libido du maître vieillissant se lâchait sans retenue. Elle avait critiqué du bout des lèvres ce népotisme sexuel affiché sans vergogne. Et son enjôleur de mari, métamorphosé en Caligula érotomane.
Pauvre Italie, terre de Dante et de Michel-Ange, devenue Berluscoland, abandonnée à un don Juan pathétique, courant frénétiquement derrière son éternelle jeunesse, à coups d'injections pelviennes, d'implants capillaires, d'opérations de chirurgie esthétique, de séances de maquillage. Avec cet éternel sourire Ultrabrite, comme un masque de Scaramouche. Un Michael Jackson parachuté dans un théâtre de la commedia dell'arte. Silvio le cavaleur, puisant dans les «books» de filles de son empire télévisuel la chair fraîche utile à ses bacchanales, tout en soignant son coeur équipé d'un pacemaker et son cancer de la prostate. «Il birichino», le polisson, c'est le surnom que lui donnent les Italiens, à peine choqués par ses frasques.
Ce 26 avril, pour Veronica Lario, le père de ses enfants commet pourtant la faute suprême. Alors que sa fille Barbara, enceinte de sept mois, est hospitalisée en urgence, il oublie d'aller lui rendre visite et préfère passer plusieurs heures à l'anniversaire d'une gamine, à Casario, dans la banlieue de Naples. Ce n'est plus du mauvais goût ou de la goujaterie, c'est de la provocation. La demoiselle, Noemi Letizia, fête ses 18 ans dans un restaurant populaire. Motif officiel de la présence de Berlusconi : il a un amour immodéré pour cette famille modeste «si italienne». Le Premier ministre, que Noemi surnomme «Papi», papounet, prétend suivre l'adolescente depuis ses 14 ans. Sa mère rêve d'en faire une actrice. Les yeux fermés, elle l'a confiée à Silvio l'imprésario, l'homme qui fait et défait les carrières des bimbos cathodiques.
Ce que ne dit pas le Premier ministre, c'est que le père de Letizia, Elio, est un joueur invétéré et qu'il a des dettes avec la Camorra, la mafia napolitaine. Tonton Silvio paie rubis sur l'ongle. Pourquoi une telle générosité ? La réponse tient en seul mot : Noemi. Chaque fois que Berlusconi a un moment de libre, il l'invite dans un de ses palais, en Sardaigne, à Villa Certosa, ou à Rome, au Palazzo Grazioli. Quand, le 28 avril, le quotidien de gauche «la Repubblica» révèle l'anniversaire insolite, Veronica Berlusconi, explose. Elle annonce son intention de divorcer, parle de la «maladie» de son mari (voir l'article de Marcelle Padovani dans «l'Obs»du 11 juin), demande à ses amis politiques de le «soigner», montre du doigt ces familles qui «offrent des vierges au dragon». En déterrant la hache de guerre conjugale, Veronica ouvre une boîte de Pandore pleine de sexe et de mensonges. En comparaison, le scandale Clinton-Lewinsky n'est qu'une bluette de collégien. Dès lors, les révélations se multiplient.
Noemi nouvelle first lady ?
La dernière semaine de mai, «la Repubblica», en pointe sur ce dossier, sort une information qui sème la panique dans la garde rapprochée du président du Conseil : en novembre 2008, au cours d'une réception organisée en présence de plusieurs grands de la mode, Silvio Berlusconi a presque désigné Noemi comme la nouvelle first lady. Les convives, gênés, ont cru à une facétie du «fanfaron». Une de plus. Mais quand paraît l'article de «la Repubblica», les avocats de «Papi», eux, perçoivent immédiatement le danger. «Le Boss» risque d'être accusé de détournement de mineure. Le scandale suprême. D'autant que deux jours après les révélations du quotidien le fiancé de Noemi, un jeune ouvrier de 22 ans, lâche, vengeur, que son «ex» a passé les fêtes du Jour de l'An dans la résidence de Sardaigne, Villa Certosa. Encore mineure, elle était accompagnée d'une copine, Roberta, elle aussi mineure, et de nombreuses filles à la réputation plus que légère, dont certaines ont été choisies par Berlusconi pour figurer sur les listes électorales du parti le Peuple de la Liberté aux élections européennes. En catastrophe, Berlusconi fait retirer les «filles» des listes. Les showgirls rentrent dans l'ombre. L'une d'entre elles le prend très mal.
Elle s'appelle Patrizia DAddario. Une blonde voluptueuse de 42 ans. Escort girl de luxe, elle a couché avec Berlusconi au Palazzo Grazioli, son domicile personnel, à Rome. L'homme qui lui a présenté le chef du gouvernement italien est un entrepreneur des Pouilles spécialisé dans la fabrication des prothèses. Gianpaolo Tarantini, play-boy de 34 ans, a rencontré son ami Silvio lors de fiestas en Sardaigne deux ans plus tôt. Depuis, il le fournit régulièrement en «accompagnatrices». Tarantini est aussi poursuivi par la justice de Bari pour une affaire de corruption dans le milieu de la santé. Il semble intéresser les juges pour sa présence dans de nombreuses sociétés basées au Luxembourg, à Londres et à Moscou.
Quand elle apprend son éviction de la liste des européennes, Patrizia D'Addario fulmine. Mais celui qu'elle appelle «Trésor» ne répond plus à ses appels. Le fanfaron l'a humiliée. Sa vengeance sera terrible. Car la routière de l'amour tarifé, très précautionneuse, a enregistré sa nuit avec lui, jusqu'au moindre détail. Elle a aussi gravé sur bandes magnétiques toutes leurs conversations téléphoniques. Edifiant. Matinée du 5 novembre : «Patrizia : Qu'est-ce que tu m'as fait mal, au début, une douleur incroyable ! Silvio : Arrête, c est pas vrai. Patrizia : Si, je te jure, une douleur incroyable au début.» Plus tard : «Patrizia : Un jeune aurait joui en une seconde. Tu sais, Userait venu... ils ont trop de pression... Silvio : Si je peux me permettre, selon moi, le problème vient de la famille... Patrizia : Quel problème ? Silvio : Déclencher l'orgasme. Patrizia : Tu sais depuis combien de temps je n'ai pas fait l'amour avec quelqu'un comme je l'ai fait cette nuit ? C'est normal ? Silvio : Si je peux me permettre, tu devrais essayer de jouir toute seule, aussi. Tu devrais te caresser plus souvent...»
Risque de chantage
C'est le genre de douceur que l'escort girl éconduite a livré à la presse. Seuls «la Repubblica» et «l'Espresso» publient le contenu des rapports torrides du chef de l'Etat et de la putain. Dans la foulée, ils multiplient les révélations sur les «bacchanales» de la Villa Certosa, où l'on voit de très jeunes filles jouer les geishas auprès de messieurs d'âge avancé. «El Pais» publie à son tour une série de clichés où l'on découvre l'ancien Premier ministre tchèque, Mirek Topolanek, dans le plus simple appareil au côté de vestales aux seins nus ! Le paparrazo à l'origine du scandale, Antonello Zappadu, a des informateurs de l'aéroport d'Olbia jusqu'aux employés de la Villa Certosa. Ce pro du téléobjectif prétend avoir pris plus de 5 000 photos des «parties» de tonton Silvio. De quoi mouiller une armée de ministres mais aussi de VIP étrangères, tous persuadés que la propriété du président du Conseil, sous surveillance des services secrets, considérée comme une zone militaire, était bien protégée. Aujourd'hui, Zappadu assure avoir mis tous ces documents à l'abri dans un coffre en Colombie. «Es n'ont aucune valeur juridique, assène Niccolo Ghedini, l'avocat du Cavalière et député du PDL. Tout ce qui relève de la vie privée ne peut être utilisé en justice.» Sauf si ces photos sont utiles à une enquête pénale. Malchance pour Berlusconi, c'est le cas.
A Bari, en effet, les magistrats qui suivent l'affaire Tarantini - l'entrepreneur est suspecté d'avoir organisé un vaste réseau de corruption de fonctionnaires de l'administration de la santé, mais aussi d'hommes politiques, jusqu'au plus haut niveau de l'Etat - saisissent tout ce qui touche à ses activités. Ils ne peuvent pas faire l'impasse sur son rôle de pourvoyeur en dames de compagnie et accumulent enregistrements, photos, témoignages, tous plus explosifs les uns que les autres. Ils détiennent en particulier une photo prise Villa Certosa où l'on voit deux jeunes filles en train de sniffer des lignes de cocaïne devant un Berlusconi hilare.
Aujourd'hui, l'homme qui a échappé à près d'une vingtaine d'enquêtes judiciaires sent le vent du boulet et tente d'étouffer le scandale. La presse, écrite et télévisée, est soumise à une omerta invraisemblable dans une démocratie moderne. Seuls l'hebdomadaire «Famiglia Cristiana» et le quotidien catholique «Awenire» relaient «la Repubblica» : car dans les paroisses la colère gronde, des évêques proches du pape font savoir que le débauché poussait un peu loin son copinage avec le Diable. Et si le Vatican abandonnait celui qu'il a considéré jusqu'ici comme son allié ? C'est la seule vraie crainte de Berlusconi. «En attendant, l'opinion publique italienne ne connaît toujours pas cette affaire, s'insurge Ezio Mauro, directeur de «la Repubblica». Pas un mot à la télévision. Berlusconi contrôle tout, les médias, le Parlement, l'Etat. Son affaire avec la D'Addario est pourtant un signe de grande faiblesse, car il aurait pu être la victime du chantage d'un groupe ou d'une organisation étrangers. Cette femme a pénétré chez lui et l'a enregistré sans que les services de sécurité s'en aperçoivent. Elle aurait pu être armée, aussi...» A mots couverts, le petit îlot de presse indépendante qui résiste en Italie tente de faire passer un message : Berlusconi l'invincible est devenu terriblement vulnérable. Il pourrait bien être tombé entre les mains d'une mafia venue de l'Est. Son appétence maladive pour les pin-up l'aurait entraîné dans les filets d'un réseau aux intérêts troubles.
Dans les rédactions romaines circule en ce moment un enregistrement qui risque d'alimenter un peu plus le scandale. Deux des ministres «bimbos» de Berlusconi, anciennes candidates Miss Italie, Mara Carfagna, ministre de l'Egalité des Chances, et Mariastella Gelmini, ministre de l'Education nationale, s'interrogent mutuellement pour savoir comment «satisfaire» au mieux le Premier ministre. Elles évoquent les piqûres qu'il doit se faire administrer avant chaque rapport. Si cet «audio» sortait dans la presse, malgré la censure, il serait dévastateur pour l'image du Cavalière. Mara Carfagna, maîtresse quasi officielle, ces dernières années, avait poursuivi en justice Sabina Guzzanti, actrice et chroniqueuse télé, parce qu'elle avait osé déclarer : «On n'a pas le droit de nommer une femme ministre de l'Egalité des Chances pour la simple raison qu'elle vous a taillé une pipe.» Son père, Paolo Guzzanti, sénateur berlusconien, avait été sanctionné par «le Boss» pour ne pas avoir blâmé sa fille : on lui avait supprimé ses gardes du corps. «Mais si j'ai dû démissionner du parti, précise Guzzanti, c'est aussi parce que j'étais en désaccord avec la dérive prorusse de Berlusconi dans l'affaire géorgienne. J'avais trouvé sa position anormale.»
La piste de la cocaïne
Au fil des révélations, l'hypothèse d'une infiltration de la mafia russe au sommet de l'Etat italien prend de la consistance. «Dans les fêtes de Villa Certosa, Tarantini faisait venir des bateaux entiers de filles de l'Est, des Russes et des Ukrainiennes, souligne un policier anti-mafia. Avec elles, il y a la drogue, bien sûr. Ce sont les mêmes filières...» A Bari, dans la plus grande discrétion, le procureur Giuseppe Scelsi creuse cette piste de la cocaïne. Son équipe a interrogé une vingtaine de filles, dont une certaine Sabina Beganovic, surnommée «la reine des abeilles». Elle sert de rabarteuse de filles à Gianpaolo Tarantini et elle est une des chouchous de «Papi». Sabina s'est fait tatouer sur la cheville : «SB., la rencontre qui a changé ma vie». Habituée de la Villa Certosa, elle a vu défiler ministres, journalistes et hommes d'affaires dans ce bunker de luxe, avec piscines, lac et volcan artificiel, amphithéâtre grec, dans lequel Berlusconi chante ses romances ou donne des cours de géostratégie aux lolitas en extase. Elle connaît par coeur les rituels du lieu. Les consignes de silence imposées aux filles, les cadeaux, toujours les mêmes, faits par le sultan à son harem, des bijoux qu'il prétend avoir dessinés lui-même, bracelets en forme de tortue ou de papillon. Pour les plus gentilles, des sorties dans les magasins de luxe de Porto Rotondo sont organisées, avec achats plafonnés à 5 000 euros.
La «reine des abeilles», qui était à la Villa Certosa au même moment que la jeune Noemi Letizia, a beaucoup parlé aux magistrats. La fille venue de l'Est a-t-elle évoqué les voyages de Tarantini à Moscou, où il est consultant d'une société, Fisiokom, géant de la fourniture hospitalière ? Les juges jouent une partie difficile. Ils savent qu'ils sont surveillés par la cohorte d'avocats de Berlusconi, l'homme le plus puissant et le plus riche d'Italie. Ils ne doivent pas commettre la moindre erreur. Car, désormais, la confrontation est inévitable. Un jour ou l'autre, ils se retrouveront face à celui qui nargue la justice depuis près de quarante ans.
Dans cette bataille, Berlusconi - qui vient d'entamer une «diète» estivale et une cure «antistress» - a perdu un atout précieux : son ami et médecin personnel, Umberto Scapagnini. Ce spécialiste de la longévité, qui prédisait cent vingt ans de vie à «l'Imperator» et prétendait qu'il avait le métabolisme d'un homme de 35 ans, vient d'être victime d'une rupture d'ané- vrisme. Il est dans le coma. Qui, désormais, veillera au régime alimentaire de «Papi», à base d'antioxydants et d'acides aminés ?
Commenta